VISITE du MUSÉE FLAUBERT

et d'HISTOIRE de la MÉDECINE

 

 

ASINCOPROB du Havre - 03.10.98

Centre hospitalier Universitaire de Rouen

 

 

La plaque posée sur le mur de l'Hôtel-Dieu de Rouen « Ici est né le 13 Décembre 1821 Gustave Flaubert » annonce le caractère spécifique de ce musée.

 

Aussitôt franchie la porte, le visiteur pénètre sur un terrain hospitalier, celui de l'ancien « Lieu de Santé » de Rouen, lazaret pour les « malades de la contagion » aux XVIIème et XVIIIème siècles, devenu en 1758 l'Hôtel-Dieu de la ville en accueillant les malades transférés de l'antique Hôtel-Dieu de la Madeleine du centre ville.

 

Le Musée occupe le « pavillon du chirurgien », construit en 1755 comme logement de fonction du chirurgien et de ce fait habité successivement par Claude-Nicolas LE CAT jusqu'en 1768, par Jean-Pierre DAVID, son gendre et successeur, puis à partir de 1784 par J.B. LAUMONNIER, enfin de 1816 à 1846, par Achille-Cléophas FLAUBERT.

 

De 1846 à 1882, Achille FLAUBERT, fils du précédent et frère de Gustave FLAUBERT, sera le dernier chirurgien résidant à l'hôpital. A sa mort, les bâtiments, tout en restant dans le domaine hospitalier, connaîtront des destinées moins nobles : laboratoire d'anatomie, internat. En 1924, une campagne de presse animée par l'académicien Georges LECOMTE entraîne une réhabilitation et une restauration de la chambre natale du romancier. En 1945, le regroupement dans l'appartement de diverses collections, jusqu'alors dispersées dans les services, en particulier celles des Docteurs LECAPLAIN et BRUNON, et l'ouverture au public de ce pavillon, signent la naissance du Musée.

 

Le jardin entourant le musée a retrouvé depuis 1983 sa surface primitive et la mise en dépôt contre le mur de clôture par la Ville de Rouen du mémorial de FLAUBERT, marbre sculpté par Henri CHAPU en 1890, souligne le double caractère du lieu.

 

La pièce d'accueil du visiteur ouvrant sur le jardin a gardé une partie de son décor, en particulier au-dessus de la cheminée un trumeau sculpté en bois de tilleul. On y distingue une sphère et un compas. C'était là le cabinet de physique de LE CAT dont le portrait par LE CHEVALIER SIXE daté de 1755 fait pendant à celui de son gendre et successeur DAVID.

 

La visite du musée commence par le premier étage. En prenant un escalier que FLAUBERT enfant montait « en courant et gueulant », on arrive, à gauche du palier, à la « chambre du chirurgien ». Elle a retrouvé son caractère d'intimité et seuls les membres de la famille FLAUBERT y ont droit de cité.

 

Dans l'antichambre, quatre bustes accueillent le visiteur : le père, Achille-Cléophas, fixé dans le marbre par PRADIER, oeuvre froide et impersonnelle contrastant avec le vibrant et émouvant plâtre de CARPEAUX représentant Achille, frère aîné de Gustave. C'est l'une des toutes dernières oeuvres du sculpteur , mort l'année suivante en 1875 ; Caroline, la soeur chérie, morte en 1846, à l'âge de 22 ans, quelques semaines après son père ; enfin, la mère, Anne-Caroline née FLEURIOT.

 

Dans l'alcôve de la chambre où naquit Gustave, le portrait du Docteur Achille-Cléophas FLAUBERT préside, peint par Joseph COURT, bon portraitiste et ami de la famille. Le même artiste a laissé le portrait de la femme d'Achille FLAUBERT tandis que celui-ci figure sur une toile d'Hippolyte BELLANGE.

 

Dans la vitrine, sont exposés quelques lettres de Gustave et des objets ayant appartenu à l'avocat Jules SENARD, brillant défenseur de Gustave lors du procès de Madame BOVARY. Enfin, deux amusantes caricatures représentant Gustave et Guy de MAUPASSANT rappellent la filiation spirituelle qui unissait les deux écrivains.

 

Près de l'entrée, on peut voir le portrait de Maxime DUCAMP, ami et compagnon de voyage de Gustave qu'il accompagnera durant son long périple en Egypte et au Moyen Orient (1848-1849).

 

Sur le même palier, s'ouvre une série de pièces faisant la liaison entre l'appartement du chirurgien et son service hospitalier.

 

Dans la première, ancienne bibliothèque de LE CAT, est évoqué un de ces cabinets de curiosités si prisées des «gens de qualité» du XVIIIème siècle.

 

Au mur, un portrait de LAUMONNIER par HEINSIUS. Le peintre l'a représenté tenant d'une main un scalpel avec lequel il s'apprête à disséquer une pièce anatomique, et de l'autre des ébauchoirs destinés à modeler une cire colorée. Une de ces cires artificielles, destinée à l'instruction des étudiants en médecine ou des visiteurs des muséums, a été mise en dépôt par celui de Rouen dans le musée. Elle est visible dans la vitrine à main gauche, en compagnie de plusieurs préparations anatomiques séchées ou formolées.

 

L'école de cérisculpture, créée pour LAUMONNIER et dirigée par lui à l'Hôtel-Dieu de Rouen et donc Achille-Cléophas fut l'élève, est à l'origine de la venue de la famille à Rouen.

 

Sous le portrait de LAUMONNIER, un amazone empaillé, prêté par le Muséum de Rouen, a longtemps servi à FLAUBERT dans sa description de Loulou, « le perroquet de Félicité dans un coeur simple ».

 

L'autre vitrine de cette pièce est essentiellement consacrée à la phrénologie, « la science des bosses », où l'on s'ingéniait à trouver des correspondances entre la forme du crâne d'un individu donné et ses principaux traits de caractère. Cette science fut très en vogue durant le premier tiers du XIXème siècle.

 

Sur le rayonnage, on peut voir les têtes momifiées de BORDIER et JOURDAIN, agitateurs malchanceux pendus en 1789, des moulages de têtes de guillotinés destinées aux études phrénologiques, et le couperet de la guillotine du département qui aurait fait tomber près de 800 têtes ...

 

La grande salle, que l'on atteint par un passage en surplomb du jardin, amène par ses dimensions et les objets exposés, à l'histoire hospitalière rouennaise. Les communautés religieuses desservant l'Hôtel-Dieu, celle des Chanoinesses Augustines de l'Hôtel-Dieu de Rouen et celle des religieux génovéfains de la Congrégation de France des Chanoines réguliers de Saint-Augustin, y sont illustrées par des portraits et par

 

du mobilier en provenant. Bien d'autres objets, en particulier les cloches de l'ancien Prieuré de la Madeleine au blason « d'azur à trois beöettes à onguent, surmonté de trois croix de Malte et du bâton prioral », des plaques de donations du XVIIème siècle et du XVIIIème siècle, sont exposés.

 

Les livres exposés dans les vitrines, au centre de la pièce, sont de la bibliothèque Achille FLAUBERT enrichie au XIXème siècle par le legs Barré. Parmi eux, se trouve un exemplaire du « De Corporis Humani Fabrica » dans son édition princeps, Bâle 1543.

 

Revenu au rez-de-chaussée, on peut voir une collection de céramiques pharmaceutiques, en particulier une série homogène d'une cinquantaine de pots en faïence de Rouen du XVIIIème siècle, dans le style rocaille polychrome, ayant été achetée par l'Association des anciens élèves de l'Ecole de Médecine de Rouen en 1901 au moment de la disparition de la pharmacie Mésaize, place de la Pucelle.

 

Les grilles en fer forgé, aux curieux symboles planétaires et alchimiques, proviennent de la même officine.

 

Dans la pièce d'accueil, des statues de saints guérisseurs nous familiarisent avec un recours aux intercesseurs, fréquents chez les gens du Moyen Age. Chaque saint est accompagné de ses attributs traditionnels, Saint Roch de son bulon pesteux, son chien nourricier et son ange soignant, Saint Antoine l'ermite de son cochon et les Flammes du Feu Saint Antoine, Sainte Elisabeth de Hongrie faisant l'aumône à un lépreux, Saint Mathurin, exorciste, invoqué pour les maladies mentales.

 

Les vitrines de la salle suivante ont un caractère plus technique. On peut y voir de nombreuses trousses de chirurgie, daviers, trépans, forceps, scies à amputation. A noter un étui à seringue en cuir fleur de lysé et une série de stéthoscopes parmi lesquels le modèle créé par Laënnec en 1816.

 

La pièce la plus remarquable est peut-être le mannequin servant aux démonstrations d'accouchement au XVIIIème siècle. Cet objet, unique de ce type conservé et présenté, permettrait aux élèves sages-femmes de s'exercer manuellement aux manoeuvres obstétricales. Madame DU COUDRAY, dans ses voyages à travers les provinces, le présentait et notre modèle déposé à Rouen en 1777 présenté un intérêt considérable pour l'historien.

 

Dans la pièce suivante, sont présentés une table d'accouchement de 1830, des registres d'enfants abandonnés à l'hôpital aux XVIII et XIXème siècles, ainsi qu'un baquet de Mesmer, accessoire indispensable aux séances de magnétisme si prisées de la bonne société parisienne à la veille de la Révolution.

 

Enfin, dans la salle contiguë, est exposé du mobilier hospitalier, avec en particulier un imposant lit pour 6 personnes qui aurait été en service à l'Hôtel-Dieu jusqu'au tout début du XIXème siècle.

 

 

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