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L'épisiotomie est actuellement au centre d'une polémique concernant son utilité, voire parfois sa nocivité supposée. Certains la considèrent comme « une forme de déchirure provoquée » et voulue par l'accoucheur, remplaçant, dans le meilleur des cas, la déchirure spontanée, mais sans pour autant protéger le périnée des suites néfastes tardives de l'accouchement et pouvant, dans beaucoup d'autres cas, s'aggraver tout de même d'une déchirure périnéale. Notre propos d'aujourd'hui se tiendra volontairement à l'écart de cette controverse, et se limitera à l'éclairage des mécanismes qui sous-tendent la déchirure du périnée et à l'exposé des techniques actuelles de réparation des traumatismes du périnée, qu'ils soient spontanés ou provoqués comme dans l'épisiotomie. Pour comprendre les mécanismes de la déchirure périnéale lors de l'accouchement, nous ne pourrons pas nous passer de revoir quelques notions d'anatomie, volontairement simplifiées pour ne mettre en exergue que les acteurs principaux du drame.
I. PÉRINÉE 1. DÉFINITIONS Définition Obstétricale Partie séparant la fourchette vulvaire de l'anus.
Définition Anatomique Ensemble des parties molles fermant en bas l'excavation pelvienne. A pour limites un cadre ostéo-tendineux de la forme losangique constitué :
2. ANATOMIE DESCRIPTIVE On peut considérer le périnée comme un plancher constitué, en anatomie sommaire, de deux plans, l'un profond, l'autre superficiel.
PLAN PROFOND = DIAPHRAGME PELVIEN PRINCIPAL Représenté par les muscles releveurs ou élévateurs de l'anus, poursuivis en arrière par les muscles ischio-coccygiens. Constitue une cloison concave en haut enserrant la fente urogénitale en avant et le hiatus anal en arrière. Les élévateurs de l'anus présentent deux portions différentes : la portion externe ou faisceau sphinctérien et la portion ou faisceau pubo-rectal : - la portion externe s'insère sur une ligne allant du pubis à l'épine sciatique et se dirige en dedans et en arrière pour se terminer sur le ligament ano-coccygien et les bords des deux dernières pièces sacrées et du coccyx. Est elle-même divisée en trois faisceaux selon son insertion d'origine : pubien, iliaque et ischiatique. Ce muscle se contracte lorsque le sujet veut retenir ses matières. - la portion interne s'insère à la face postérieure du pubis, se dirige vers le bas et en arrière, croise l'urètre puis le vagin au niveau de son tiers moyen et se termine par deux faisceaux :
Cette fronde est à l'origine du cap ano-rectal. Lors de la défécation, elle attire le canal en haut et en avant, dilatant ainsi l'anus et facilitant l'exonération.
PLAN SUPERFICIEL Est représenté par deux espaces triangulaires, l'un antérieur à pointe antérieure, l'espace périnéal antérieur, et l'autre postérieur à pointe postérieure, l'espace périnéal postérieur.
Espace périnéal antérieur Comprend surtout :
Espace périnéal postérieur Comprend l'appareil sphinctérien de l'anus et les fosses ischio-rectales : . Appareil sphinctérien de l'anus Se compose de 4 tubes musculaire emboîtés les uns dans les autres et qui sont, de l'intérieur vers l'extérieur :
. Fosses ischio-rectales
3. ANATOMIE FONCTIONNELLE Après avoir franchi le détroit supérieur, la présentation effectue sa descente et sa rotation dans l'excavation pelvienne en prenant contact avec les faisceaux externe sphinctériens des releveurs qui se relâchent. C'est la réaction de ce plancher à la poussée de la tête foetale qui expliquerait la rotation basse en occipito-pubien. Le front vient alors buter sur le sacrum, ce qui accentue la flexion de la tête, puis l'oociput se cale sous la symphyse pubienne alors que se produit une rétropulsion du coccyx. Le périnée postérieur est donc le premier à se distendre lors de la descente de la présentation. Cette mise en tension s'accompagne d'une béance de l'anus.
Dans un deuxième temps, la présentation se défléchit et distend le périnée antérieur. Le NOYAU FIBREUX CENTRAL DU PÉRINÉE s'étale et s'aplatit. Le périnée se moule sur la présentation et s'allonge. Le faisceau pubo-rectal des releveurs est repoussé en bas et en avant et vient s'intégrer dans le périnée superficiel. L'orifice vulvaire s'horizontalise. C'est à cet instant que la distension devient maximum.
II. DÉCHIRURES PÉRINÉALES 1. MÉCANISMES DES DÉCHIRURES PÉRINÉALES ET EFFETS ATTENDUS DE L'ÉPISIOTOMIE DÉCHIRURES Leur physiopathologie repose sur les relations anatomiques des organes en cause, les capacités de résistance à la tension de chacun d'eux et le déroulement chronologique de l'expulsion :
Notions anatomiques Insertion des faisceaux pubo-rectaux de part et d'autre du sphincter externe. Existence d'une couche longitudinale complexe faisant plan de clivage entre les sphincters externe et interne. Changement de position du faisceau pubo-rectal lors de la deuxième phase de l'expulsion puisque celui-ci s'intègre au périnée superficiel.
Notions mécaniques La peau périnéale résiste mieux à l'étirement que le vagin, qui résiste lui-même mieux que le muscle du périnée
Notions chronologiques Au cours de la première phase de l'expulsion, c'est-à-dire lors du franchissement des faisceaux sphinctériens des releveurs par la présentation, ceux-ci peuvent présenter des déchirures.
Au cours de la deuxième phase de l'expulsion, l'élément le moins élastique est représenté par le Noyau Fibreux Central du Périnée dont les lésions sont donc plus ou moins importantes mais constantes. La muqueuse vaginale sera le deuxième élément capable de se déchirer. La déchirure se produit au niveau de l'hymen pour remonter vers le vagin et pour descendre vers la jonction cutanéo-muqueuse. La déchirure périnéale du 1er degré est constituée lorsque la peau s'est rompue jusqu'au sphincter externe sans l'atteindre. Celui-ci est en effet entouré d'un surtour fibreux qui réalise une dernière zone de résistance avant sa rupture. Par contre, la solidité du faisceau pubo-rectal et sa continuité avec le sphincter externe guident les déchirures vers celui-ci. Le sphincter externe se rompt lorsque la distension est plus importante et si la traction qui s'exerce sur lui par l'intermédiaire des deux faisceaux pubo-rectaux devient supérieure à ses capacités d'étirement : il s'agit alors d'une déchirure du 2ème degré. La couche longitudinale complexe constitue à la fois une zone de résistance et un plan de glissement entre le sphincter externe et le sphincter interne. La déchirure s'arrête au niveau de la marge de l'anus, là où les fibres du faisceau sous-cutané du sphincter strié rentrent en contact avec la peau. Lorsque ce dernier rempart cède, le sphincter interne et la muqueuse anale se déchirent du bas vers le haut, faisant communiquer vagin et rectum : ce sont les déchirures du 3ème degré.
2. ÉPISIOTOMIE Elle a pour but de protéger le périnée contre une distension trop importante. Elle ne peut protéger les faisceaux sphinctériens des releveurs qui lui restent inaccessibles. Elle peut protéger le N.F.C.P. et le sphincter anal. Elle permettrait : - de diminuer la tension exercée en avant sur la région para-urétrale et la région para-clitoridienne et en arrière sur le N.F.C.P. grâce à l'agrandissement de l'anneau vulvaire. - de protéger le sphincter anal si la section du faisceau pubo-rectal est complète car c'est en effet ce faisceau qui, par sa forme en carène insérée sur le sphincter externe et par sa résistance, guide les déchirures vers les zones de moindre résistance que sont le sphincter et le canal anal. Si la section du pubo-rectal est incomplète, la déchirure peut suivre la direction de ses fibres restées intactes et parvenir directement au sphincter.
FACTEURS ETIOLOGIQUES DES DÉCHIRURES Maternels Primarité.
Aspect anatomique périnéal : Même après une épisiotomie préventive, le risque de déchirure périnéale grave est très important si la distance ano-pubienne est inférieure à 5 cm.
Aspect anatomique du bassin : Une ogive pubienne étroite oblige la présentation à occuper la partie postérieure de l'excavation et à distendre le périnée postérieur.
Foetaux Grosse tête foetale ou « épaules larges ». Mauvaise flexion de la tête.
Opératoires L'absence d'épisiotomie favorise la déchirure (mais la déchirure évite l'épisiotomie). Expulsion « explosive ». Manoeuvres instrumentales.
ÉTUDE ANATOMO-CLINIQUE DÉCHIRURES FERMÉES Pouvant être très importantes, elles concernent le Noyeu Fibreux Central du Périnée, l'aponévrose moyenne, les muscles du périnée superficiel, le plan des releveurs et le fascia pelvien. Les possibilités thérapeutiques immédiates sont nulles et la rééducation ne pourra qu'apporter une amélioration sans guérison. Risque à terme : dyspareunie, incontinence urinaire, prolapsus.
DÉCHIRURES OUVERTES Classification traditionnelle Déchirures incomplètes, partielles, ou du 1er degré : Elles respectent le sphincter anal et se subdivisent en trois catégories suivant leur importance :
Déchirures complètes ou du 2ème degré :
Déchirures complètes compliquées ou du 3ème degré :
Classification anglo-saxonne Déchirures du 1er degré = lésions cutanéo-muqueuses isolées : 1er échelon des déchirures partielles. Déchirures du 2ème degré = intéressent le N.F.C.P. Déchirures du 3ème degré = déchirures complètes non compliquées Déchirures du 4ème degré = déchirures complètes compliquées.
COMPLICATIONS Hémorragie Hématome Infection Asymétrie vulvaire Dyspareunie Prolapsus Incontinence anale Fistule recto-vaginale
III. ÉPISIOTOMIE 1. TECHNIQUE Nous nous limiterons à l'étude de l'épisiotomie médio-latérale :
Quand la faire ? Avant la constitution des lésions musculo-aponévrotiques et après que e pubo-rectal s'est intégré au périnée superficiel = lorsque le périnée antérieur commence à se distendre, que la présentation est visible sans avoir à écarter les petites lèvres et que l'anus est dilaté à 3 ou 4 cm. Le périnée ne doit pas avoir commencé à blanchir ni à saigner.
Comment la faire ? - index et majeur de la main gauche sont introduits entre le périnée et la présentation - un premier coup de ciseau sectionne peau et vagin. - un deuxième coup de ciseau sectionne le pubo-rectal.
2. INDICATIONS Ne doit pas être systématique. S'adresse surtout aux primipares. D'autant plus indiquée que le périnée est rigide, peu extensible, fragile, friable, que le foetus présente des diamètres importants et que l'on réalise une extraction instrumentale. La décision de pratiquer une épisiotomie sera surtout fonction de l' »impression » que l'on se fait du comportement du périnée lors de l'expulsion. Il existe également des indications d'ordre foetal avec la protection des prématurées ou le désir de raccourcir l'expulsion en cas de souffrance foetale en fin de travail.
3. COMPLICATIONS Hémorragie immédiate Aggravation en déchirure Hématome Infection Dyspareunie (suture asymétrique ou nevrome) Kyste ou abcès de la glande de Bartholin Endométriose
IV. RÉPARATION 1. INSTALLATION Patiente en position gynécologique Délivrance efficace Périnée désinfecté Champs stériles en place Bon éclairage Ne pas hésiter à se faire assister Une compresse dans le vagin pour ne pas être gêné par les écoulements sanguins
2. ANESTHÉSIE Xylocaïne à 1% non adrénalisée, à raison de 5 cc sous chaque berge cutanée, en évitant de piquer la peau. Parfois, A.G. ou péridurale (déchirures du 2ème ou 3ème degré).
3. MATÉRIEL Porte-aiguille Pince à disséquer à griffes Pince sans griffe Quelques pinces à hémostase 4 pinces de CHAPUT Une paire de ciseaux courbes En réserve : valves et pinces à col Fil de Vicryl.
4. RÉPARATION DE L'ÉPISIOTOMIE Repérer les berges et les zones qui vont s'affronter.
Surjet ou points séparés au Vicryl n° 1, de l'angle supérieur jusqu'aux reliefs hyménéaux qui sont affrontés bord à bord. Être étanche. Prendre suffisamment en profondeur pour éviter un espace mort.
Quelques points simples ou en X de Vicryl n° 2. Prises assez larges pour bien capitonner, sans transfixier le rectum et sans multiplier les points pour éviter les infections locales.
Points séparés ou surjet intradermique, ou Blair Donati de Vicryl n° 00 à résorption rapide, en allant de l'anus vers le vagin. On rajoute parfois un ou deux points simples de Vicryl entre la jonction cutanéo-muqueuse et l'hymen.
5. RÉPARATIONS DES DÉCHIRURES 1. Plaies vaginales Lésions longitudinales Siégeant, à partir de l'anneau vulvaire sur la face latérale Bonne exposition nécessaire Risque d'hémorragie importante parfois Suture bord à bord au Vicryl n° 1 à points larges, éventuellement en X pour favoriser l'hémostase Ne pas s'appuyer latéralement sur le paravagin du fait du risque de lésions veineuses à l'origine d'hématome mais aussi du risque secondaire de cicatrice rétractile En antéro-latéral : prendre garde à la vessie Surjet : rapide et bien hémostasiant mais entraîne plus de cicatrices rétractiles et ouvre toute la plaie s'il lâche Si associées à une plaie rectale : fermeture rectale en un plan extra-muqueux de Vicryl en points séparés, puis un plan de recouvrement par un surjet étanche et un plan vaginal.
2. Plaies périnéales
Se réparent en 3 plans, comme une épisiotomie. Parer les lésions contuses au préalable.
On commence par réparer le sphincter : un ou deux larges points de Vicryl n° 0 en U appuyés sur le surtout du sphincter pour ne pas couper le muscle et en veillant à attirer le ou les chefs rétractés avec une pince. On termine comme une suture de déchirure partielle.
Suture digestive première, de haut en bas par des points séparés de Vicryl 000 ou 0000 noués à l'extérieur de la lumière du canal anal après avoir chargé musculeuse et sous muqueuse rectale. Points rapprochés pour que la suture soit étanche. On termine classiquement.
3. Les plaies vulvaires Les éraillures ne nécessiteraient pas de suture, d'autant que ces dernières n'entraînent que rarement une cicatrisation de première intention. Cependant, en zone péri-urétrale, leur suture évite les brûlures mictionnelles.
6. SOINS POST-OPERATOIRES Toilette périnéale après chaque miction et selle suivie d'un séchage. Toilette vaginale biquotidienne. Application d'éosine. Anti-oedémateux, antalgiques, anti-inflammatoires. Régime sans résidu et huile de paraffine en cas de lésion du sphincter.
7. TRAITEMENT DES COMPLICATIONS Ablation d'un ou de deux points pour laisser sourdre le pus en cas d'infection. Nevromes ou granulomes : applications de pommade aux oestrogènes voire Electrostimulations à basse fréquence.
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