CORTICOTHÉRAPIE ANTÉNATALE

 

 

Alain PAUPE - Pédiatre Décembre 1996

 

 

GENERALITES

L'immaturité alvéolaire est responsable du syndrome de détresse respiratoire qui touche essentiellement le nouveau-né prématuré (SDR). Ce syndrome constitue la plus grande cause de mortalité et de morbidité en période néonatale et sa cause en est un défaut de surfactant (par absence ou insuffisance).

L'incidence du syndrome de détresse respiratoire est inversement proportionnelle avec l'âge gestationnel : > 80% avant 28 semaines, 60% à 30% entre 28 et 31 semaines, 20% à 5% de 32 à 35 semaines.

 

On peut, à ce syndrome de détresse respiratoire, opposer deux thérapeutiques possibles :

- l'optimisation de la prise en charge néonatale par l'emploi de surfactant exogène,

- l'administration anténatale, en cas de menace d'accouchement prématuré précoce, d'un traitement visant à accélérer la maturation pulmonaire du foetus.

 

 

RÔLE DU SURFACTANT

Durant la vie foetale, le poumon subit des bouleversement importants, morphologiques, cytologiques et biochimiques. Parmi tous les facteurs qui interviennent dans ces phénomènes de maturation, le surfactant joue un rôle essentiel.

Le surfactant est un complexe lipido-protéique composé de phospholipides (D.P.P.C) et de plusieurs protéines (SP-A, SP-B, SP-C, SP-D). Il est fabriqué par les pneumocytes de type II et tapisse les alvéoles et les bronchioles.

Ses fonctions sont multiples :

- il stabilise l'alvéole pendant la phase expiratoire ;

c'est l'effet anti-atélectasique,

- il s'oppose à l'exsudation plasmatique vers la lumière alvéolaire ;

c'est l'effet anti-oedémateux,

- il participe aux mécanismes de défense bronchique et alvéolaire ;

c'est l'effet anti-bactérien.

 

En pratique, un défaut de surfactant favorise la fuite des protéines plasmatiques, ce qui conduit à la constitution des membranes hyalines.

 

 

EFFET DE LA CORTICOTHERAPIE

* Si la croissance pulmonaire est régie surtout par des phénomènes physiques (mouvements respiratoires, formation de liquide pulmonaire, ...), la maturation des pneumocytes de type II et donc la synthèse de surfactant sont sous la dépendance d'un contrôle multifactoriel, en particulier hormonal :

- les glucocorticoïdes, l'oestradiol, la prolactine, les hormones thyroïdiennes, l' « épidermal growth factor » et le « fibroblast pneumocyte factor » la favorisent,

- les androgènes et l'insuline l'inhibent.

 

* Les glucocorticoïdes jouent un rôle déterminant dans les contrôles hormonaux (il existe des récepteurs aux corticoïdes dans le mésenchyne pulmonaire).

 

* Ils stimulent la synthèse du surfactant :

- en régulant l'expression des gènes codants pour les protéines rentrant dans

la composition du surfactant,

- en favorisant la synthèse des phospolipides par l'intermédiaire du « fibroblast

pneumocyte factor ».

 

* Leur administration va donc :

- accélérer la différenciation des pneumocytes de type II,

- entraîner une modification de certaines structures du parenchyme

pulmonaire en augmentant en particulier les espaces alvéolaires,

- exercer également une accélération de la maturation sur d'autres organes.

 

* Quelques effets néfastes ont été rapportés, en particulier sur la croissance pulmonaire, tels qu'une diminution du contenu protéique et un retard de développement du système capillaire. Mais ces effets sont transitoires, et il existe un rattrapage ultérieur.

 

 

APPLICATIONS PRATIQUES

Les premières publications faisant état du bénéfice des corticoïdes ont été rapportées en 1969 et 1972 par Liggins expérimentalement chez le prématuré. Par la suite, d'autres tentatives ont été réalisées, dont certaines violemment critiquées, en raison des risques potentiels pour la mère et pour le foetus (croissance, infection, action sur les surrénales, risque hémorragique, ...). En 1985, une conférence de consensus a validé l'efficacité d'une corticothérapie anténatale à condition :

- qu'elle soit réalisée au moins 24 heures avant l'accouchement et avant 7 jours, ce qui pose le problème de renouveler le traitement,

- qu'elle ne soit pas inactivée par le passage transplacentaire,

- qu'elle agisse rapidement (voie intramusculaire).

 

Pour ces raisons, les produits utilisés sont :

- la bétapéthasone (CELESTENE) : 12 mg toutes les 12 heures pendant 24 h

(gradient placentaire 1/1)

- la dexaméthasone (SOLUDECADRON) : 6 mg toutes les 12 heures pendant 48 h

(gradient placentaire 3/1).

 

 

RESULTATS

* Il existe une réduction du risque de SDR de 50%.

* Les meilleurs résultats sont obtenus après H24 et avant J7.

* Il n'y a pas intérêt à poursuivre cette corticothérapie après 34 semaines.

* Les résultats sont aussi appréciables à long terme, puisque l'incidence de la dysplasie broncho-pulmonaire a également été réduite.

* Les effets de cette maturation s'exercent également sur d'autres organes :

- maturation du système rénal, du myocarde,

- maturation du tube digestif avec une réduction du risque d'entérocolite,

- diminution du taux de réouverture du canal artériel,

- diminution du risque d'hémorragies intra-cérébrales par un effet protecteur

vasculaire, stabilisant de l'hémodynamique, et en réduisant le risque hypoxique.

* Aucun effet nocif n'a été signalé à la naissance ; aucun effet secondaire n'a été rapporté chez la mère (infection, oedème pulmonaire).

* Les indications de ce traitement sont larges (toxémie, rupture de la poche des eaux, diabète, grossesse multiple, ...) ; les contre-indications sont liées à certaines pathologies maternelles (ulcère, infection patente, ...).

 

Les échecs du traitement peuvent être rapportés à plusieurs origines :

- les facteurs hormonaux ne sont qu'un aspect du développement foetal,

- le surfactant peut être détruit par un facteur surajouté (infection, anoxie),

- survenue trop précoce de l'accouchement par rapport à l'effet du traitement,

- immaturité ou insuffisance des récepteurs aux corticoïdes.

 

 

Comptes-rendus

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